A la différence de leurs homologues espagnols et américains, les indignés de la défense peinent à mobiliser. En proie au froid et à des divisions internes, ils restent peu nombreux. Mais ils résistent tant bien que mal, en communauté.
Ils ne sont qu'une petite centaine ce dimanche 20 novembre à occuper le campement de fortune installé 17 jours plus tôt sur le parvis de la Défense, dans le quartier d'affaires des Hauts de Seine à l'Ouest de Paris. Le marché de Noël n'a pas encore ouvert ses portes mais déjà ses 350 chalets et son sapin artificiel, montés à proximité de la grande arche, confèrent une ambiance féerique à l'esplanade. La partie investie par les Indignés n'en est que plus frappante.
Partout, des cartons aux couleurs et messages variés jonchent le sol. Non loin d'un stand de nourriture et d'un atelier-enfants se tient l'Assemblée générale du jour. Ils ne sont qu'une poignée de téméraires à participer, dans un froid glacial, à ce forum destiné à déterminer l'évolution du mouvement. On apprend que la ville de Nanterre propose un terrain où les campeurs pourront bénéficier de tentes, un bien qui leur a été confisqué dans le quartier d'affaires. Depuis 3h de l'après-midi, les propositions des groupes de travail juridique, économique, artistique... sont discutées, "consensuées" la plupart du temps. Mais en début de soirée, une dispute éclate. "J'y suis allé tous les jours à ces AG, mais ça sert à rien!" hurle un jeune homme à une organisatrice qui avait évoqué les aspects positifs d'une installation à Nanterre, et réclamé l'implication des campeurs dans les débats. Les choses n'avancent pas assez. Des divisions se dessinent.
"La vie entre humains et en humain"
D'un côté, les membres des collectifs Démocratie Réelle Maintenant, des 99% ou autre formation instaurée à la suite des manifestations espagnoles de mai dernier. De l'autre, les "campeurs", anti-politiques, qui sont éparpillés à l'écart de l'AG. "Arrêtez les discours à deux balles", lance Jérémy, désinvolte, qui regarde de loin la scène. Les AG n'intéressent pas ce jeune sans abri à dreadlocks venu de Franche-Comté à Paris "par amour". Les divisions, ils les trouvent normales, elles font "partie de la vie en communauté". "La vie entre humains et en humain", c'est ce qui lui plaît ici. Comme beaucoup, il refusera de parler au nom de tout le monde, car les indignés "viennent de tous les bords". Il ne se préoccupe pas des commissions de travail. Lui s'autoproclame membre de la commission "rasta-fout-rien", ce qui ne l'empêche pas d'espérer que le mouvement portera ses fruits.
De son côté, Pierre, ingénieur au chômage et membre actif de DRM, relativise les tensions, même s'il craint que le mouvement ne s'essouffle: "C'est très réducteur de dire qu'il y a deux clans, d'un côté les campeurs de l'autre le mouvement. L'important c'est qu'on continue, qu'on prenne de l'ampleur, mais là ça commence à stagner. C'est pas bon".
Traductrice de japonais, Lula, enrhumée d'avoir passé plusieurs nuits dehors, comprend parfaitement les désaccords. "Le mouvement est apolitique, beaucoup de gens ici sont contre les partis politiques et le système financier. Rester là le plus longtemps possible, montrer qu'on en a marre, c'est ça l'important", explique-t-elle, avant de reconnaître qu'ils ne sont pas encore assez nombreux pour diffuser leurs revendications.
Saxophone et guitare résonnent non loin de là, donnant un côté festif à cet ensemble hétéroclite, où quelques observateurs extérieurs se font connaître. Geneviève soutient les indignés, parce qu'elle a toujours été "un peu rebelle". Cette juriste travaille dans l'arche de la Défense et ne comprend pas que ces collègues ne daignent l'accompagner lorsqu'elle se rend sur le parvis, pour voir comment les choses évoluent. Mais elle n'ira pas camper, elle a "passé l'âge"...